Kering : enquête fiscale dans le monde du luxe

Chez le groupe de Pinault, le linge sale se lave en famille. La marque italienne Gucci, fleuron de Kering, a été mise sous enquête suite à l’obtention de la part du réseau médiatique European Investigative Collaborations (EIC) de documents « confidentiels ». Cette histoire commence le vendredi 16 mars avec le site d’information Mediapart déclarant que le numéro deux du luxe aurait évadé, depuis 2002, 2,5 milliards d’euros d’impôts par le biais d’une société fictive, Gucci International N.V.,  succursale à Cadempino, près de Lugano en Suisse.

Marco Bizzarri Vogue
Marco Bizzarri – Credits @Vogue

Selon le quotidien La Stampa, le parquet de Milan soupçonne que Gucci aurait soustrait 1,3 milliard d’euros au fisc italien : le PDG de la célèbre griffe italienne, Marco Bizzarri, recevrait un salaire de 8 millions d’euros nets mais que Kering le paierait via la résidence fiscale en Suisse et une société offshore au Luxembourg, et donc aurait moins d’impôts. Conséquence : 15 millions d’euros d’épargnes fiscales pour Bizzarri et trois fois plus pour Kering sur une période de sept ans. En plus, le géant français a pu économiser environ 2,0 milliards € d’impôts depuis 2009, dont 1,4 millions pour Gucci et 180 milles pour Saint Laurent. Il s’agit de 2,5 milliards d’euros d’impôts échappés par Kering entre 2002 et 2017 via sa plateforme de logistique et de distribution LGI (Luxury Goods International) basée en Suisse.

L’affaire commence bien avant : la justice italienne avait fouillé les bureaux de Gucci à Milan et Florence en novembre 2017. En outre, un ancien opérateur de Kering, Carmine Rotondaro, aurait fourni aux enquêteurs des échanges de mails compromettantes pour l’une des multinationales les plus importantes du secteur mode, ainsi que des numéros de comptes bancaires à Singapour et en Suisse. Tout cela aurait été orchestré par le biais de Kering Luxembourg, fondé en 1999 et ayant un lien avec les révélations Offshore Leaks et Panama Papers.

A l’occasion de la conférence à Paris du 13 février 2018, le directeur financier de Kering Jean-Marc Duplaix a été interrogé sur les résultats annuels du groupe français de Pinault et a déclaré que : « Gucci collabore pleinement avec les autorités fiscales italiennes, ce n’est pas une posture ou un discours officiel, c’est la réalité ».

Pinault - Le Parisien
François-Henri Pinault – Credits @Le Parisien

Après l’explosion de cette histoire de montage d’optimisation fiscale, le patron de Kering a déclaré  être « très tranquille sur la régularité des opérations ». François-Henri Pinault a également affirmé que la « gouvernance mise en place visait à une totale conformité vis-à-vis des régulations fiscales en cours dans (ses) pays d’exploitation ». Cependant, Kering a refusé de commenter sur les informations diffusées par Mediapart, n’affirmant seulement que le groupe collabore avec la justice italienne. Par ailleurs, le scandale semble ne plus recevoir grande attention de la part des médias.


Sources

Pinault et Gucci, la haute couture de l’évasion fiscale, Le Soir via Factiva, 27-01-18

Fashion Leaks : l’évasion à 2,5 milliards du géant du luxe Kering, Le Nouvel Observateur via Factiva, 16-03-18

Accusato di evasione fiscale a favore di Gucci, il gruppo Kering afferma di rispettare la legge, Fashion Network, 30-01-18

LEAD 1-France-Kering sous enquête fiscale en Italie, dit Le Maire, Reuters via Factiva, 18-03-18

Gucci: enquête portant sur des soupçons d’évasion fiscale, L’Agéfi Suisse via Factiva, 14-02-18

https://blogs.mediapart.fr/daurac/blog/191217/les-dirigeants-de-gucci-mis-en-examen-dans-une-enorme-affaire-de-fraude-fiscale