Raisons des cessions d’entreprises italiennes

Il existe plusieurs aspects du système entrepreneurial italien qui pousse de nombreuses marques à céder une partie ou la totalité de la gestion à un groupe étranger plus grand.

1. Le système familial

Culturellement, la France possède une histoire plus affirmée dans la gestion des entreprises du secteur du luxe. Son modèle de grande entreprise, contrairement à celui italien, ne se base pas uniquement sur l’idéologie du fondateur. Les marques de luxe françaises sont gérées par des managers professionnels qui se détachent de la figure du propriétaire.

Vetrina Gucci
Vitrine boutique Gucci à Rome

En Italie, la gestion et le savoir-faire sont propres à la famille. Cependant, un problème de succession de générations se crée lors du décès du fondateur. Il y a donc une fracture entre le famille fondatrice et les générations suivantes.

Selon Confartigianato, le secteur de la mode est le moteur de l’économie italienne : c’est le secteur qui a le moins souffert de la crise de 2008. En outre, l’Italie est le premier pays exportateur de l’Union Européenne dans le secteur mode, avec 61 milliards d’euros en 2017[1].

2. La taille de l’entreprise italienne

Cependant, un autre aspect qui s’ajoute est celui du défaut de taille de l’entreprise. L’Italie comptait, en 2015, 95% de micro-entreprises, d’après l’ISTAT, l’Institut National de Statistique italien. Ce qui rend inégal leur confrontation avec la compétition étrangère. On pourrait noter que tout cela s’explique aussi par l’absence de grands pôles regroupant les sociétés italiennes du luxe, et d’aides financières de l’Etat, constate Claudio Marenzi, président de Confindustria Moda.

Malgré la capacité des sociétés familiales et des PME italiennes du système mode à s’adapter en temps de crise, leur grande flexibilité et leur profonde connaissance des produits, elles se révèlent moins attentives et équipées face à l’évolution du comportement des consommateurs, affirme Carlo Fei, professeur d’économie de la mode de l’Université LUISS. Il poursuit disant que les marques italiennes ne sont pas habiles à modifier leur propre modèle d’affaires pour saisir les opportunités des profonds changements culturels.

Par aillieurs, il y a des retards en ce qui concerne les infrastructures physiques, financières et technologiques ainsi que tous les facteurs clés que sont le capital technologique et humain, les conditions de sécurité et d’efficacité, le rendement bureaucratique et le degré d’ouverture au système économique local. Tous ces éléments freinent la création d’un « environnement pro-business ».

3. La mondialisation et le Fast Fashion

Les produits « Made in Italy » sont coûteux à cause de la main-d’oeuvre, des matériaux et tissus, des heures que prennent le travail manuel et artisanal. En outre, à cause de la crise économique, de plus en plus de consommateurs ne peuvent plus se permettre d’acheter des articles de luxe. La grande concurrence du secteur luxe est bien sûr le Fast Fashion, qui propose sans cesse des collections à des temps et des prix très réduits. Par conséquent, les producteurs italiens décident de déplacer la production à l’étranger, c’est le phénomène du outsourcing, soit la sous-traitance et l’externalisation. Ils vont vers des pays où le coût de la main-d’oeuvre est inférieur. Toutefois, cela ne favorise pas le prestige des marques italiennes mais plutôt crée de la confusion et soulève des doutes chez les consommateurs.

Il est essentiel de retenir que la vente de ces marques italiennes ne représente pas forcément une perte pour l’économie italienne. Ainsi, le savoir-faire italien a la possibilité d’être exporté à l’étranger grâce au soutien de la structure managerielle des grands groupes français. Au niveau financier, également, elles bénéficient d’un budget plus consistant qui leur permet de garder la production sur le territoire italien. La gestion est cédée au groupe étranger mais la tradition et le produit restent « italiens ».

Spécifiquement, d’après le rapport de Italian Trade Agency de 2014 sur l’impact des acquisitions étrangères sur la productivité des entreprises italiennes, les facteurs sont donc la dimension (mesurée par nombre de employés), la part de immobilisations incorporelles sur l’actif total, les variables financières tels que le rapport entre les dettes et l’actif total, et le rapport entre le flux de trésorerie et les charges financières ainsi qu’un seuil de rentabilité.


[1] Confartiginato, STUDI – Forte la tradizione artigiana nel Settore Moda, oltre la metà (55,4%) delle imprese sono artigiane, 2017

Sources:

La mode italienne à l’épreuve de la crise, LES PIIGS, Dix ans après, Factiva, Le Temps, 24 juillet 2018

Impatto delle acquisizioni dall’estero sulla performance delle imprese italiane, ITA e Prometeia, Versione 21.7.2014

Da Versace a Gucci: tutti i marchi della moda venduti all’estero, Il Sole 24 Ore, 24 septembre 2018, https://www.ilsole24ore.com/art/impresa-e-territori/2018-09-24/made-italy-tutti-marchi-passati-straniero-non-sempre-e-cattiva-notizia-154712.shtml?uuid=AEZWgm6F

http://www.ansa.it/sito/notizie/economia/2015/05/20/istat-in-italia-42-milioni-di-microimprese-95-del-totale_3dd493d4-32fc-4205-a361-3162c3064e88.html

https://www.ilsole24ore.com/art/notizie/2017-01-17/sempre-piu-big-italiani-ammainano-tricolore-225314.shtml?uuid=AECX0tB

https://www.confartigianato.it/2017/07/studi-forte-la-tradizione-artigiana-nel-settore-moda-oltre-la-meta-554-delle-imprese-sono-artigiane-litalia-e-il-primo-paese-esportatore-del-settore-moda-in-ue-con-61-miliardi-e-in-to/