Opinion publique

Lorsqu’on parle de cession ou acquisition d’entreprises italiennes de la part de multinationales étrangères, dans ce cas françaises, il existe deux visions contrastantes. Certains considèrent le contrôle d’un groupe externe comme un outil nécessaire afin d’être compétitif sur la nouvelle donne économique mondiale. Tandis que d’autres le perçoivent comme une menace pour l’équilibre des industries traditionnelles et comme une des causes des difficultés propres à l’entreprise en question.

L’intérêt que portent les marques français, que sont LVMH et Kering, envers les griffes italiennes tourne autour des secteurs du Made in Italy et surtout le dynamisme du secteur des biens d’équipement.

Evolution au fil du temps

L’industrie française du luxe a une histoire qui remonte au début du XXème siècle, avec des marques comme Chanel, Givenchy, Louis Vuitton ou encore Hermès, qui ont été ensuite transformés en multinationales. En Italie, en revanche, la plupart des entreprises de mode naissent après la Seconde Guerre Mondiale, et les plus fortes du point de vue économique sont celles encore gérées par les fondateurs et leurs héritiers.

Forces et faiblesses

Une entreprise de grandes dimensions nécessite d’un core brand[1], soit une marque forte et surtout rentable. C’est l’exemple de Louis Vuitton pour LVMH, Gucci pour Kering et Cartier pour Richemont. Les entreprises italiennes sont moins aptes à devenir un grand groupe de luxe pour différents facteurs : non seulement pour l’aspect familial, mais aussi puisque leur production se concentre davantage sur le prêt-à-porter que sur les accessoires, ce qui les rendent moins compétitifs par rapport aux Français. Lorsqu’une griffe italienne est vendue c’est une opportunité d’établir des échanges profitables qui soutiennent la productivité de la multinationale.

C’est bien ce qu’affirme Mario Ortelli, un spécialiste de l’entreprise américaine d’investissements et de recherche Sanford C. Bernstein : l’une des raisons pour laquelle en Italie il n’existe pas une holding du luxe c’est parce que les sociétés italiennes se concentrent plus sur la production du prêt-à-porter et moins sur les accessoires. C’est puisque les accessoires, notamment les sacs, les chaussures et la petite maroquinerie, sont des produits qui se vendent plus et qui permettent des gains beaucoup plus importants. Contrairement aux vêtements, ils ont des coûts de production inférieurs et les marges bénéficiaires sont plus élevées.

Perception d’une réalité innovante

Les seules marques qui restent encore entre les mains italiennes sont Tod’s, Montcler, Missoni, Brunello Cuccinelli et, bien sûr, Prada et Armani. Bien qu’en Italie les cessions de marques italiennes à des grands groupes français, tels que LVMH et Kering, soient perçues comme une perte d’une partie du patrimoine italien, cela représente pour les propriétaires un tremplin pour les marchés internationaux.

Toutefois, la perte de contrôle ainsi que la dimension des nouveaux investisseurs provoquent souvent chez les Italiens des appréhensions en ce qui concerne les perspectives d’emploi et des doutes sur le niveau de compétitivité sur le marché. Il y a de même du scepticisme concernant l’intérêt de laisser la place aux nouveaux venus dans des entreprises qui sont soudainement devenues stratégiques pour un X produit, une tradition industrielle ou un lien avec le territoire.


[1] Luca Solca, managing director en charge du secteur luxe chez Exane BNP Paribas

Sources

Perché non esiste una LVMH italiana?, Il Post,  Enrico Matzeu, 22/10/2015, https://www.ilpost.it/2015/10/22/italia-holding-moda/

Why Isn’t There an Italian LVMH?, Business of Fashion, Robin Mellery-Pratt, 20/10/2015, https://www.businessoffashion.com/articles/intelligence/why-isnt-there-an-italian-lvmh-2

L’impatto delle acquisizioni dall’estero sulla performance delle imprese italiane, ITA (Italian Trade Agency) et Prometeia, Version 21.7.2014